Posté par Christian Gambotti, le 14 décembre 2023
Par le Pr Christian Gambotti - Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage, Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain), Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan), Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact email : cg@agriquepartage.org
L’enjeu que représente la province du Kivu pour Félix Tshisekedi, est un enjeu de solidarité et un enjeu de souveraineté. Si le Président-candidat a choisi de se rendre dans le Kivu, c’est à la fois pour des raisons de politique intérieure, qui relèvent d’un devoir de solidarité, et de politique extérieure, qui relèvent d’une exigence de souveraineté. Politique intérieure : Félix Tshisekiedi voulu montrer, en tenant des meetings électoraux à Goma et Beni, sa volonté d’inscrire tous les Congolais dans une destinée commune. Politique extérieure : si la frontière fait l’État, il appartient à l’État de faire la frontière. En se rendant dans l’Est du Congo, Félix Tshisekedi a voulu délivrer un message de fermeté face à des visées expansionnistes extérieures et des convoitises qui font du Kivu un objet de conquête. Le meeting qui s’est tenu le 10 décembre 2023 à Goma, ville encerclée par les rebelles du M23, a une forte charge symbolique : Félix Tshisekedi est venu pour affirmer l’appartenance du Kivu, Nord et Sud, au Congo.
Le Kivu, une équation difficile à résoudre
Le Kivu, une région enclavée avec des parties de son territoire sur-enclavées, est loin d’être intégré à l’ensemble de la RDC, ce qui rend sa gestion administrative et sécuritaire particulièrement difficile pour le pouvoir central. Historiquement, le Kivu, qui connaît une formidable explosion démographique et un brassage continu des populations, est inscrit dans une géo-économie transfrontalière. Les villes qui se situent sur la frontière se tournent ainsi vers le Rwanda, l’Ouganda, le Kenya, le Burundi et la Tanzanie. Le manque d’infrastructures de transport maintient le Kivu éloigné du reste du Congo. Cet éloignement est aggravé par les turbulences politiques, la présence de groupes rebelles et les convoitises de ses voisins. La région connaît depuis plus de trente ans une insécurité chronique qui, dans certains cas, rend impossible la circulation des biens et des personnes. Le problème de l’insécurité est un sujet complexe. Convoité par ses voisins, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, du fait de ses nombreuses richesses minières dont il regorge, le Kivu voit s'opposer les troupes rebelles à l'armée congolaise et ses alliés locaux. Félix Tshisekedi a toujours dénoncé le soutien que le Rwanda apporte, depuis plus de 20 ans, à des groupes rebelles, notamment le M23. Félix Thsisekedi, garant en tant que président de la République de la souveraineté du pays, de la sécurité des populations congolaises et de la paix aux frontières, ne pouvait pas ne pas venir faire campagne dans le Kivu. Aujourd’hui, président-candidat, il s’est rendu, le dimanche 10 décembre, à Goma, où il n’était pas revenu depuis juin 2021. A l’époque, voulant bâtir un chemin de paix, il avait tenu une conférence de presse avec Paul Kagame, le président rwandais. Après une période d’accalmie, les combats ont repris, en novembre 2021, entre le M23 et les forces congolaises. Ces combats se sont amplifiés à partir de mars 2022. En 2022, un nouveau rapport de l'ONU confirme les liens entre le Rwanda et le M23, qui contrôle une partie de la province. Lors de son meeting de campagne, à Goma, devant des milliers de personnes rassemblées au stade Afia, Félix Tshisekedi a promis « la libération totale » du Nord-Kivu. Le président-candidat peut compter sur le total soutien de Vital Kamhere. Cet appui est essentiel pour Félix Tshisekedi, Homme-clef dans le Sud-Kivu, Vital Kamhere est aussi présent aux côtés des candidats de l’Union sacrée dans les endroits les plus reculés et les moins visités de la région.
Un espoir de paix ?
Les populations du Kivu, parmi lesquelles il y a beaucoup de Rwandais, souhaitent avant tout la paix. Sans la paix, rien n’est possible. Pour construire la paix, Félix Thisekedi peut compter sur l’appui de nombreux pays occidentaux, dont les Etats-Unis et la France qui ont dénoncé les visées expansionnistes du Rwanda. Si les combats ont repris ces dernières semaines autour de Goma et dans les montagnes plus au nord, les Etats-Unis ont annoncé, dans un communiqué diffusé le lundi 11 décembre, avoir facilité un cessez-le-feu de 72 heures entre la RDC et le Rwanda. Des rencontres séparées avaient eu lieu, les 19 et 20 novembre derniers, entre, d’un côté, les Etats-Unis et Félix Tshisekedi, et, de l’autre, les Etats-Unis et Paul Kagame. La diplomatie active de Félix Tshisekedi a permis d’arriver à cet accord de cessez-le-feu. Est-ce une véritable relance d’un processus de désescalade et l’espoir d’une paix durable ?
Développer le Kivu
Lors de ses meetings électoraux dans le Sud-Kivu, Félix Tshisekedi s’est exprimé sur les voies et les moyens qu’il entend mettre en œuvre pour que le Kivu soit pleinement intégré à l’ensemble de la RDC. Si le volet sécuritaire est largement pris en compte, Félix Tshisekedi a aussi rappelé que, lors du lancement du programme de développement de 145 territoires de la RDC, le gouvernement a prévu de consacrer 80 millions de dollars US pour accélérer le développement de huit territoires du Sud Kivu. Le gouvernement provincial est chargé de la mise en œuvre de ce programme qui bénéficie de l’appui du PNUD. Si le gouvernement central décide des grandes orientations des politiques publiques, il appartient aux entités décentralisées de faciliter l’exécution de ce programme et de faire en sorte qu’il soit réellement effectif localement, c’est ce que Félix Thsisekedi a tenu à rappeler. Les entités décentralisées, dans un pays aussi vaste que la RDC, ont un rôle essentiel à jouer en matière d’aménagement. La première phase de ce programme s’étendait du 4 mars 2022 au 31 décembre 2023. Félix Tshisekedi s’est montré déterminé à pacifier et à développer le Kivu.
Le Kivu bénéficie de la mise en œuvre du Programme Tujenge (2021-2026), financé par l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) et réalisé par un consortium de 12 organisations internationales et nationales. L’objectif du programme Tujenje est de créer les conditions d’une paix durable au Nord-Kivu et en Ituri, ce qui suppose une croissance diversifiée et inclusive. Félix Tshisekedi adhère totalement aux objectifs du Programme Tujenge : « prévention et résolution pacifique des conflits et consolidation de la paix par le renforcement des communautés face aux conflits et aux crises ; bonne gouvernance grâce à des institutions plus responsables, plus dignes de confiance et plus réactives pour les citoyens ; renforcement des chaînes de valeur agricoles et minières », avec, prioritairement, l’atténuation des risques liés à l’exploitation minière et l’amélioration de la transparence du commerce des minéraux. Lorsqu’il est question d’exploitation minière et pétrolière, les sociétés extractives, nationales ou étrangères, restent toujours très opaques. Le richesse produite ne descend pas jusqu’aux populations. Le Gabon, autre pays-clef d’Afrique centrale, vient de faire son retour au sein de l’ITIE (Initiative pour la Transparence des Industries Extractives), après en avoir été suspendu depuis 2013 pour « manque de transparence notoire », C’est cette transparence que le RDC doit appliquer à l’écosystème de l’industrie extractive. En mai 2021, Félix Tshisekedi avait annoncé la révision prochaine des contrats miniers défavorables à la RDC. Le président-candidat sait que les richesses minières de la RDC lui permettront de consolider la politique de développement et l’accès aux services de bases mis en œuvre lors du quinquennat 2018-2023.
Le Kivu, qui concentre tous les défis que la RDC doit relever, est un laboratoire à ciel ouvert avec des populations qui sont avides de paix et de croissance. Pacification, désenclavement, croissance inclusive, transparence de l’exploitation minière et des richesses agricoles, réconciliation des communautés entre elles, maîtrise du foncier, accès aux services de base, éradication de la pauvreté, émancipation des femmes et de la jeunesse, tels sont les immenses défis à relever. Très grand pays d’Afrique qui a su réaliser, grâce à la figure de Félix Tshisekedi, une transition démocratique, la RDC possède tous les atouts pour devenir, rapidement, un pays à revenu intermédiaire. Pays immense, trop de régions ne sont pas encore suffisamment intégrées à l’ensemble de la RDC. La mise en œuvre des pratiques de bonne gouvernance, le renforcement du rôle des entités décentralisées, le développement du secteur privé, l’implication des organisations de la société civile organisée et un statut de leader dans la lutte contre la crise climatique permettront de donner à la RDC le rôle qui doit être le siens dans les dynamiques contemporaines.
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14/12/2023 à 14:02
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